Rupture conventionnelle et licenciement disciplinaire (3 arrêts du 3 mars 2015)

 Rupture conventionnelle et licenciement disciplinaire (3 arrêts du 3 mars 2015) : les subtilités de l’articulation entre rupture conventionnelle et licenciement disciplinaire….

Rupture conventionnelle : en cas de rétractation du salarié, l’employeur peut engager ou réengager une procédure de licenciement, mais il doit le faire vite !

Par 3 arrêts du 3 mars 2015, la Cour de cassation délimite les cas de succession possible de ces deux modes de rupture du contrat et répond aux questions suivantes :

 

1 – Lorsque l’employeur a déjà notifié un licenciement au salarié, les parties peuvent-elles renoncer à ce licenciement en signant une rupture conventionnelle ?

La Cour répond par l’affirmative : « lorsque le contrat de travail a été rompu par l’exercice de l’une ou l’autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ».

Dans cette affaire, les parties au contrat avaient conclu une rupture conventionnelle 1 mois après la notification d’un licenciement avec dispense d’exécution d’un préavis de 3 mois. Le salarié avait ultérieurement saisi le Conseil de Prud’hommes estimant que la rupture conventionnelle ne pouvait valablement être signée après la rupture déjà intervenue de son contrat.

La Cour de cassation valide pourtant la possibilité pour l’employeur et le salarié de remettre en cause la rupture unilatérale du contrat de travail (qu’il s’agisse dès lors d’un licenciement ou d’une démission) par la volonté partagée des parties. La signature d’une rupture conventionnelle conduit à retirer tout effet au licenciement ou à la démission antérieure.

Attention : le principe « rupture sur rupture ne vaut » subsiste quant à lui pour les cas de successions de rupture unilatérale du contrat (licenciement suivie d’une démission ; démission suivie d’un licenciement ; prise d’acte suivie d’un licenciement ; licenciement suivi d’une prise d’acte).

 

2 – Lorsque l’employeur conclut une rupture conventionnelle avec un salarié, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement à son encontre, peut-il le licencier en définitive si le salarié exerce son droit de rétractation de la rupture conventionnelle ?

La Cour de Cassation répond également par l’affirmative : « la signature par les parties au contrat de travail d’une rupture conventionnelle, après l’engagement d’une procédure disciplinaire de licenciement, n’emporte pas renonciation par l’employeur à l’exercice de son pouvoir disciplinaire ».

Dans cette affaire, le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son éventuel licenciement, mais avait finalement conclu avec son employeur, lors de cet entretien, une rupture conventionnelle… à laquelle il avait renoncé en usant de son droit de rétractation dans le délai de 15 jours calendaires. L’employeur l’ayant convoqué à nouveau à un entretien préalable et l’ayant licencié pour faute grave, le salarié avait contesté son licenciement en considérant que le choix de la rupture conventionnelle interdisait à son employeur d’engager, pour les mêmes faits, une procédure disciplinaire.

La Cour de cassation affirme le droit pour l’employeur de reprendre et de mener à son terme la procédure disciplinaire, dans le respect des dispositions de l’article L 1332-4 du Code du travail. Il appartient alors à l’employeur de respecter le délai de prescription des faits fautifs en matière disciplinaire (à savoir 2 mois suivant la date de convocation au premier entretien) et de convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable dans ce délai.

 

3 – Lorsque l’employeur conclut avec un salarié, auquel il reproche par ailleurs un comportement fautif, une rupture conventionnelle donnant lieu ensuite à rétractation du salarié, peut-il engager une procédure de licenciement à l’encontre de ce dernier ? En d’autres termes, la signature d’une rupture conventionnelle interrompt-elle le délai de prescription de deux mois des faits fautifs ?

Aux termes de son troisième arrêt, la Cour de cassation répond par la négative : « la signature par les parties d’une rupture conventionnelle ne constitue pas un acte interruptif de la prescription ».

Dans cette affaire, les parties avaient signé le 28/10/2010, une convention de rupture conventionnelle, sans que l’employeur n’ait engagé au préalable une procédure disciplinaire à l’encontre du salarié auquel il reprochait pourtant une absence injustifiée du 11/09/2010. Le salarié avait exercé son droit de rétractation le 05/11 suivant. L’employeur l’avait alors convoqué à un entretien préalable à son licenciement le 16/11seulement, puis licencié le 6 décembre. Selon la Cour de cassation, l’employeur a tardé à agir, la signature de la rupture conventionnelle n’ayant pas eu pour effet de suspendre le délai de prescription de 2 mois, la procédure disciplinaire aurait dû être engagée avant le 11/11/2010, soit dans les 2 mois de la connaissance par l’employeur des faits fautifs.

Les employeurs confrontés, pour un même salarié, à une succession possible des deux modes de rupture que sont le licenciement disciplinaire et la rupture conventionnelle sont donc invités à la plus grande prudence…